Seconde lecture: « Parfum de révolte! » ou ode à la résistance
Je reviens à la lecture (et à l'écriture), que j'ai dû mettre de
côté pour terminer (tout en étant enseignante à temps plein et, le reste du
temps, mère) la rédaction de mon mémoire de maîtrise, que j'ai enfin déposé au
début du mois de mai. Un mémoire de maîtrise en littérature qui porte le titre
suivant: La demeure (in)habitable.
Imaginaires de la maison dans l'œuvre romanesque d'Élise Turcotte. Oui,
déposé. Enfin, écrivais-je.
Je reviens à la lecture et à
l'écriture, tout de suite après cette épreuve intellectuelle qui, bien qu'elle
m'ait ébranlée dans toutes les sphères de ma vie, ne l'a pas fait au point que
je délaisse l'œuvre d'Élise Turcotte. Mais cela ne m'a pas empêchée de vouloir écrire sur l'œuvre; de vouloir écrire, encore,
à partir des mots d'Élise Turcotte. Je ne renie pas cette
œuvre; au contraire, je renoue plutôt
avec elle. Cette auteure m'a initiée à la beauté de la prose poétique, à la
toute-puissance évocatrice des images et, par ses mots, m'a aussi incitée à
créer ma propre symbolique, voire à construire ma propre maison.
Au printemps dernier, elle a sorti un
recueil de poésie, La forme du jour[i].
Ce n'est toutefois pas sur la lecture de ce recueil que j'écris aujourd'hui;
c'est plutôt sur son dernier roman, Le
parfum de la tubéreuse, publié en 2015. Quand j'en ai terminé la première
lecture, je me suis dit: « Élise Turcotte, avec ce roman, sort de la maison. » Je
serais ravie d'en faire autant, pour le présent billet, tout en restant liée à
cette auteure que j'ai de la difficulté à quitter.
Sortir de la maison
Si, avec Le parfum de la tubéreuse, on sort de la
maison - la figure spatiale la plus récurrente dans son œuvre, comme le stipule
l'auteure elle-même, c'est pour entrer dans la révolte, à laquelle Élise
Turcotte convie ses lecteurs[ii].
Cette révolte, pour ma part, se transforme, dans ce roman, en résistance, thème
plus fort chez l'auteure que la révolte. La révolte, comme la résistance,
s'incarne dans un désir d'opposition. La première, toutefois, s'accompagne d'un
sentiment violent, qui peut découler d'une vive réaction et, par le fait même,
s'affaiblir dans le temps. La résistance, quant à elle, c'est, pour moi du
moins, la révolte qui dure et qui se renforcit même dans le temps.
Dans Le parfum de la tubéreuse - et c'est justement ce qui est
déstabilisant de prime abord - deux temps se chevauchent: le temps présent du récit que raconte Irène,
la narratrice, dans un état et un lieu qui renvoient à quelque chose qui ressemble
au passage entre la vie et la mort (j'y reviendrai), temps qui est interrompu
par des retours dans le passé de la femme, alors qu'elle était encore en vie.
On comprend que la révolte appartient au passé, donc à la vie de la femme,
tandis que la résistance appartient au présent, dans cet entre-deux temps et
cet entre-deux lieux où sa révolte s'élève, perdure, trouve son sens.
Le dernier roman d'Élise Turcotte non
seulement nous sort de la maison, mais il devient aussi un appel à
l'indignation, qui surgit dans ces trois principaux lieux: la rue, le
purgatoire et l'écriture, comme trois parfums qui dégagent chacun leur effluve
particulière.
La rue, ou le parfum
oppressant de la réalité
La rue est aussi
associée, dans le roman, aux derniers moments de la vie d'Irène. Période
marquée par une rébellion étudiante, alors que la narratrice enseignait la
littérature au cégep et qu'elle militait auprès de ses élèves. Ce contexte
rappelle celui, réel, du printemps érable, résumé par Maude-Emmanuelle Lambert
ainsi: « Au
printemps 2012, le Québec et le Canada connaissent la plus longue grève
étudiante de leur histoire. Cet événement, qui se déroule sur plusieurs mois
(du 13 février au 7 septembre 2012), oppose les étudiants québécois et le
gouvernement provincial sur la question de la hausse des droits de scolarité.[iii] » Élise Turcotte reprend
le symbole du carré rouge porté par les opposants: « Tout a commencé par un petit carré de feutre rouge. / La
colère a tourbillonné, la rue a été habitée, la ville, puis le pays tout entier
s'est divisé en deux, et, bien sûr, on a fini par demander aux professeurs de
jouer les agents de l'ordre social. »
(p. 73) Dans cet extrait, il est possible de remarquer la gradation des termes
spatiaux « rue », « ville », « pays », montrant l'accroissement de la révolte
sur le territoire, et qui peut être mis en parallèle avec la colère qui gronde
de plus en plus fort chez la narratrice, notamment parce qu'en tant que
professeure, elle refuse de se placer du côté du gouvernement et d'œuvrer à son
service.
Le bout de tissu auquel fait allusion
la narratrice a tissé une toile urbaine immense, s'étendant même au-delà de la
ville, unissant étudiants et profs dans une cause commune, l'éducation. Le
gouvernement a voulu défaire ce tissage pour placer les profs non pas du côté
des étudiants, mais du côté des policiers. Question d'en faire des pantins de
l'ordre[iv].
Pour signaler leur mécontentement, certains profs, dont Irène, se sont mis à
arborer ce bout de tissu, eux aussi. Dans le but aussi de retoucher la toile
déchirée. Pour guérir la blessure et refermer la cicatrice.
Le rouge passion s'est transformé en
rouge frustration, mais le parfum de l'oppression demeurait trop présent dans
l'air:
Le printemps était
rouge, comme un automne. Le petit emblème épinglé sur nos vêtements avait été
chargé, par des politiciens et des journalistes, d'un signifié presque
diabolique. Il y a eu des coups bas du pouvoir, un détournement du sens des
morts, une perversion du langage qui n'a fait qu'augmenter la colère des
manifestants. (p. 76-77)
Le roman montre donc les rouages de la
révolte (qui finira par mourir, comme la narratrice) d'un mouvement étudiant se
développant en véritable crise sociale et dans laquelle la narratrice s'est
personnellement impliquée, allant elle-même dans la rue.
Si
elle montre une évidente partialité dans ce conflit pour les étudiants, et qu'elle
s'enivre de la symphonie de la révolte dans la classe, comme le montre
l'extrait suivant: « Le mouvement des casseroles a commencé après la
proclamation de la Loi. Chaque soir, à la même heure, partout dans la ville, la
musique de la rébellion claironnait » (p. 88), la narratrice ne cache pas sa
déception une fois de retour en classe. La complicité profs-élèves qui animait
la rue, dans la révolte, ne projette pas son reflet dans le lieu clos de la
classe réelle, où se joue « [l]a réalité de l'enseignement[v]
»: « j'avais beau inscrire toutes mes passions dans la fabrication de mon
cours, les quinze semaines passeraient et j'aurais sans doute encore
l'impression de m'exciter dans le vide.
» (p. 65, je souligne) De la même manière qu'un parfum fugace, qui nous enivre
sur le coup, l'idéal de la révolte étudiante se dissipe du point de vue de la
narratrice une fois de retour dans sa salle de classe.
Ce qui explique probablement
l'impression de l'auteure qui dit s'exciter
dans le vide par rapport à la réalité de l'enseignement, mais aussi quant à
la révolte étudiante. La passion de l'enseignement comme celle de la révolte
s'estompent rapidement pour laisser place à la réalité, celle où le parfum oppressant
des autorités étouffe la vigueur estudiantine et produit une division tranchée
non seulement entre étudiants et professeurs (qui n'est pas tellement abordée
dans le roman même - l'auteure en parle davantage dans son Supplément au Parfum de la tubéreuse[vi]),
mais aussi entre les profs eux-mêmes.
Cette dernière division est représentée
dans le roman par la relation qu'entretiennent Irène et Théa, une enseignante
de littérature aussi, travaillant au même collège qu'Irène. Toutefois, les
femmes ne partagent pas la même vision de leur profession, comme la narratrice
l'exprime ici, où elle décrit le point de vue de sa collègue: « nous étions à
l'usine, il fallait pointer, enseigner ce qu'on nous disait d'enseigner,
recevoir notre paye et c'est tout. » (p. 96) Théa, au contraire d'Irène,
capitule. Les deux femmes entretiennent une relation étrange. En fait, Irène
subit ce rapport contradictoire que Théa développe à son égard, fait à la fois
d'attachement et d'adversité. Cette femme est si détestable qu'elle nous fait
mépriser sa position, complice du gouvernement et de sa destruction de
l'éducation, au contraire d'Irène, qui, pourtant, si elle est plutôt passive
face aux méchancetés de Théa à son égard, défend une vision subversive de
l'enseignement, notamment de l'enseignement de la littérature, et déploie un
discours vindicatif contre le gouvernement: « Le pays était peut-être sec, le
savoir vendu à rabais, la poésie étiquetée comme un paquet de viande, je
pourrais toujours lire le refus et, avec d'autres, trouver des manières de
renverser l'ordre des choses. » (p. 101) Cet extrait expose l'état des lieux,
politiquement et socialement parlant, des derniers moments vécus par la
narratrice. Le renversement de cet « ordre » n'a pas lieu dans sa vie, mais
dans son passage vers la mort...
Le purgatoire, ou le
parfum tenace de l'idéal
Je l'ai déjà dit, à
première vue, la lecture de ce roman est déstabilisante quand on est mené par
une perception concrète de l'espace. Il faut poursuivre pour comprendre que le
cadre spatio-temporel se place dans une espèce d'au-delà qui donne à la
narratrice une consistance qui n'est ni tout à fait la vie ni tout à fait la
mort, mais quelque chose entre les deux. En faisant accéder Irène au purgatoire, lieu où les âmes expient
leurs péchés avant d'accéder à la félicité éternelle (merci Larousse), l'auteure rejoint le mythe
religieux décrivant le passage de la vie à la mort et l'associe à une épreuve.
Dans ses précédents romans, l'auteure présente
des êtres vivants hantés par la mort, voire par leurs morts[vii];
dans le présent roman, ce sont les morts qui sont hantés par leur vie, et plus
spécifiquement par la manière dont ils sont morts. En fait, ils doivent
accepter qu'ils sont morts, comment ils sont morts et pourquoi ils sont morts
ainsi. Le moment, le lieu et les circonstances de leur mort constituent
d'ailleurs une énigme dans le roman, une énigme qui finit par se dénouer.
Le
purgatoire devient le lieu où la vie résiste à/dans la mort, où les dernières
volontés peuvent se réaliser en dehors de la réalité. Où, pour Irène, la
révolte est encore vivante, comme la passion de l'enseignement, mais possible
seulement parce qu'elles se vivent au-delà du réel. Si le purgatoire rompt avec
la vie, il permet la continuité avec ce qui a élevé l'âme de son vivant: la
révolte se renforcit en résistance et la complicité entre profs et étudiants,
souhaitée par Irène et disparue avec la réalité de l'enseignement, se poursuit
dans l'au-delà, car c'est à cet endroit que la narratrice enseigne la
littérature. Elle s'y exerce à travers les mots lumineux des Dialogues en paradis, de Can Xue - dont
le roman d'Élise Turcotte constitue un vibrant hommage - et s'adresse à une « académie fantomatique »,
composée d'étudiants qui partagent l'état étrange de la narratrice et qui,
comme elle, viennent tout juste de mourir. Ils sont ensemble et bien soudés
dans cette épreuve du purgatoire.
Irène s'attache à ces étudiants, et
plus particulièrement à Lydie. Plus que son élève, Lydie incarne une alliée
d'Irène, aux antipodes de Théa, sa collègue mais surtout son adversaire. Lydie
et Théa sont des personnages importants dans le parcours de la narratrice. Le
traitement de l'auteure réussit à faire de la première un personnage fort attachant
et de la seconde, un personnage franchement irritable. Trop. Au point, à mon
avis, d'incarner des personnages un peu caricaturaux - surtout Théa - marquant
de nuances, contrairement aux personnages secondaires composés par l'auteure
dans ses précédents romans. Je crois que ce soit même voulu ainsi, et que ces protagonistes,
à la manière des personnages de romans gothiques (auxquels Élise Turcotte fait
référence d'ailleurs), marquent chacune un pôle: l'ange Lydie et le démon Théa.
Ou encore Lydie, la version idéalisée de l'étudiante et de l'amie, au contraire
de la trop réelle Théa. Théa, ennemie de la vie d'Irène, contre Lydie, la
complice rencontrée au purgatoire. Seul endroit où l'idéal de l'enseignement et
de l'amitié résiste à sa réalité consternante[viii],
et ce, grâce au « miracle de la poésie », un art sacré qui n'a rien à voir avec
un « paquet de viande ».
Dans cette classe pleine de fantômes
(image renversant ainsi celle de la classe, réelle, vide de lecteurs?), la
narratrice asperge un parfum de poésie, floral, dont elle teste l'effet: « [...] ici, au purgatoire, le mythe de
certains plantes se réveille de lui-même. Les parfums, tout comme les livres,
ne sont-ils pas des silhouettes de chats qui traversent les couloirs bien après
leur disparition? C'est ce que j'affirme en tout cas. Ce sera tout pour mon art
poétique. » (p. 94) Art poétique duquel émane une effluve baudelairienne,
présente dans l'ensemble de l'œuvre d'Élise Turcotte, mais qui s'imprègne
encore plus dans ce roman, où sont recensées les obsessions du poète ainsi que
sa tendance subversive, sa disposition à la révolte, son admiration pour Edgar
Allan Poe, sa fascination pour les chats et son affection pour le parfum, le
sens le plus exploité par le précurseur des poètes symbolistes français.
L'odorat est aussi le sens le plus exploité par Élise Turcotte dans son œuvre
romanesque, que ce soit dans Le parfum de
la tubéreuse ou même dans un précédent roman, La maison étrangère. Chez Baudelaire, le parfum peut être exotique
et exquis (se tournant alors vers l'idéal) ou encore vulgaire et exécrable
(demeurant dans la triste réalité), ce dernier l'emportant malheureusement sur
le premier, comme le spleen l'emporte, pour Baudelaire, sur l'idéal.
Chez Élise Turcotte, la poésie
triomphe, et elle contamine le roman de son triomphe. Elle triomphe de la
réalité et de son chaos dans la mort; c'est grâce à la destruction du monde,
paradoxalement, qu'elle peut revivre et retrouver son caractère sacré. Cette
mise en valeur de l'art poétique me rappelle celle de Véronique Côté dans son
sublime essai, La vie habitable[ix],
qui énonce que « [...] toute poésie part de là: d'une insoumission, d'une
insubordination » (p. 73). Côté rejoint Turcotte en considérant la poésie comme
l'art de la résistance, notamment à la réalité: « Une société amputée du
pouvoir de sacraliser le moindre détail de son être est une société pauvre,
constamment en crise de sens » (p. 39), ce qui fait que « [n]ous sommes devenus
unidimensionnels, c'est-à-dire redevables au réel, esclaves de l'empirie » (idem). La sacralisation du monde par la
poésie constitue une façon de contrer sa réelle destruction, qui se déroule
sous nos yeux comme une interminable agonie:« Alors que tout nous parle
de notre fin, nous rêvons sans l'admettre de début du monde. Nous rêvons de
créer ce qui pourrait être un monde. » (p. 14) Celui où la poésie rend la vie
plus habitable. Mais dans Le parfum de la
tubéreuse d'Élise Turcotte, cet idéal de l'habitabilité par la poésie ne
peut surgir que symboliquement, et « le purgatoire [se transformer] en paradis
» (p. 111), comme l'annonce le titre du roman, puisque la tubérisation consiste
en la transformation totale ou partielle d'une tige ou d'une racine en
tubercule, l'enrichissant alors en réserves. Des réserves pour l'écriture, troisième lieu où s'exprime la
révolte, et où elle devient définitivement résistance.
L'écriture, ou le
parfum tout-puissant de la résistance
L'écriture d'Élise
Turcotte est motivée par la résistance, comme elle l'exprime elle-même dans son
Autobiographie de l'esprit : « Mais
la résistance, on ne sait pas quoi en faire. C'est au creux de cette résistance
que j'écris chaque mot, chaque poème, chaque tableau de chacun de mes livres.[x]
» Le roman Le parfum de la tubéreuse,
pour sa part, consiste en un retour personnel et poétique[xi]
non seulement sur l'enseignement de la littérature dans les conditions sociales
et politiques actuelles, mais aussi, voire surtout, sur les événements du
printemps érable tels que les a vécus l'auteure et qu'elle les a recensés dans
le récit de sa narratrice: « On me
faisait régulièrement le même coup lorsque je reparlais des événements du
printemps. Comme on me coupait depuis longtemps la parole avec des sophismes
lorsque j'exposais ma révolte à propos de toutes les formes de misère des
femmes dans le monde. » (p. 102-103) Misères que l'auteure a exposées dans
plusieurs de ses livres, et plus particulièrement dans son recueil de poèmes Ce qu'elle voit[xii]
(2010) et dans son roman Guyana[xiii]
(2011)[xiv].
Une résistance de l'écriture dans le refus du silence.
L'écriture incarne le lieu même de la
résistance, comme le décrit une fois de plus l'auteure, mais en faisant
référence, dans son Supplément au Parfum de la tubéreuse, au livre Le vrai lieu d'Annie Ernaux; l'écriture
devient un « espace de résistance face au silence ou au langage imposé par une
loi implicite et insidieuse » ainsi qu' un « espace clos où paradoxalement la
révolte peut encore et à nouveau résonner ». L'écriture du roman incarne donc
cette révolte contre la perversion du langage, révolte qui passe plutôt par une
analyse pointue du discours politique et dans la mise à jour de ses dérapages. Dans
son roman, l'auteure l'a dénoncé en parlant de la diabolisation du carré rouge,
mais dans son Supplément au Parfum de la
tubéreuse, elle décrit sa démarche de manière plus concrète: l'auteure est
aussi allée dans la rue, a participé au mouvement étudiant, a assisté à la
transformation de ce mouvement en « crise sociale », puis s'est donné pour
mission de « débusquer les failles et les détournements du langage politique »,
qu'elle considère comme le « reflet d'une mutation qui est en train de
transformer notre manière d'habiter ce monde ». Sa vision n'est pas très
optimiste à ce sujet. De là la nécessité de faire de l'écriture ce lieu de
résistance contre ce changement négatif. Non seulement on parle, on témoigne,
mais on commente et on critique aussi. Et, pour ce faire, on ne fait « aucune
concession à la tyrannie du réalisme ».
Ainsi, l'écriture ne fait pas que
résonner; elle résiste. À l'instar du parfum de la tubéreuse, ainsi que le décrit
Émile Zola: « Quand les tubéreuses se décomposent, elles ont une odeur humaine[xv]
», citation qui n'est pas sans rappeler la clôture du roman: « Le parfum de la
tubéreuse se manifeste une troisième fois, alors que je suis seule dans ma
chambre, emportée par le vertige des derniers jours comme devant une histoire à écrire. Cette fois, lentement, il
déploie toutes ses heures. Je me sens si
humaine. » (p. 115, je souligne)
*
Tout compte fait, le dernier roman
d'Élise Turcotte est un appel à asperger le parfum tout-puissant de la
résistance contre l'insupportable poivre de Cayenne des autorités; il revient
sur la révolte étudiante du printemps 2012, dans laquelle l'auteure s'est non
seulement impliquée, mais à laquelle elle a réfléchi, faisant confronter
l'idéal et la réalité, à travers le déploiement de trois lieux, réels et
symboliques, où se manifestent la révolte, soient la rue, le purgatoire et
l'écriture, ainsi que leurs différents parfums. Tout en incitant à
l'insubordination, le roman fait triompher l'imaginaire et le sacré sur la
réalité profane, et le miracle de la poésie sur les dérives du discours
politique, reformé comme un paquet de bœuf haché.
[i] Élise Turcotte, La
forme du jour, Éditions du Noroît.
[ii] La dédicace qu'elle m'a écrite - j'ai pu assister, grâce
à la permission de l'auteure et de son nouvel éditeur, Antoine Tanguay, au
lancement du roman - est composée ainsi: « Parfum de révolte ! », et elle
deviendra le fil conducteur de ma lecture.
[iii]
http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/la-greve-etudiante-quebecoise-de-2012-et-la-loi-78/
[iv] Cette expression est de moi, et non d'Élise Turcotte.
[v] Je réserve d'ailleurs les droits sur une analyse de la
critique de l'éducation de la part de l'auteure dans ses romans La maison étrangère et Le parfum de la tubéreuse.
[vi] Élise Turcotte, en collaboration avec Kateri Lemmens:
http://chambreclaire.org/texte/supplement-au-parfum-de-la-tubereuse-delise-turcotte
[vii] Ce n'est toutefois pas le cas dans son premier, Le bruit des choses vivantes.
[viii] Il me semble impossible de ne pas rattacher l'écriture
de cet idéal de l'enseignement, vécu par/dans la mort d'Irène, à la
retraite de l'enseignement (qui pourrait être symbolisée comme une mort de
l'enseignement) prise par l'auteure tout juste avant la publication de ce
roman...
[ix] Véronique Côté, La
vie habitable. Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires,
Atelier 10, coll.: Documents, no. 6, 2014, 92 pages.
[x] Élise Turcotte, Autobiographie
de l'esprit, La Mèche, p. 223.
[xi] Pour une autre lecture personnelle du mouvement étudiant
ayant animé l'année 2012, lire l'essai de Nicolas Langelier, Année rouge. Notes
en vue d'un récit personnel à la contestation sociale au Québec en 2012. Pour
une lecture plus poétique et imagée encore, visiter le site blogue du Cadre
rouge, où Nicholas Dawson expose ses photos des manifestations étudiantes:
https://cadrerouge.wordpress.com/author/nichodawson/
[xii] Élise Turcotte, Ce
qu'elle voit, Éditions du Noroît.
[xiii] Élise Turcotte, Guyana,
Leméac.
[xiv] Encore une fois, je réserve les droits d'une analyse sur
le sujet, qui s'intitule provisoirement « Féminisme et
terreur. Splendeurs et misères des femmes dans Ce qu'elle voit et Guyana d'Élise
Turcotte. »
[xv] Citation accompagnant la définition du mot « tubéreuse »
dans Le Petit Robert.